Les contes, laissez-moi vous en conter !

Les contes, laissez-moi vous en conter !
Les contes, laissez-moi vous en conter !

Les contes ont fait partie de mes premières lectures. J’ai continué à en découvrir parfois par d’autres biais que le genre du conte justement ou par la voie de contes pour adultes… Contes classiques, contes revisités, recueil de contes thématiques, qu’elle est riche cette littérature ! Je vais vous présenter ici des lectures passionnantes qui entretiennent le genre ou le renouvellent.

L’ombre, conte classique de Hans Christian Andersen

J’ai eu l’occasion de lire L’ombre de Hans Christian Andersen en version illustrée. C’est à l’éditeur Densité jeunesse qu’on doit cette version illustrée par Helle Vibeke Jensen. Merci à Babelio pour cet envoi issu d’une opération Masse critique.

Je ne connaissais pas ce conte qui d’ailleurs n’est pas le plus exploité.

Le résumé du conte : Un jeune savant des pays froids arrive en pays chaud. Comme tous les gens de cette région, il se calfeutre le jour et sort la nuit. Il maigrit petit à petit et son ombre également. Une nuit, il entend une merveilleuse musique de l’autre côté de la rue à travers les portes-fenêtres ouvertes d’un appartement. Son ombre se projette de l’autre côté. Le savant lui demande alors d’aller inspecter l’appartement pour élucider le mystère. Au petit matin, l’ombre n’est pas revenue.

Le savant repart bientôt dans son pays et s’adonne à sa carrière scientifique. Des décennies plus tard, il reçoit une visite inattendue : son ancienne ombre devenue humaine. Celui-ci a réussi dans la vie et veut à tout prix remercier le savant. Il lui force la main pour ainsi dire. Celui-ci accepte de faire un voyage aux côtés de son ancienne ombre. Cette situation va donner lieu à un retournement des rôles. L’ombre est devenue le maître qui se sert du savant, qui est devenu l’ombre. De manière perfide, le nouveau maître manœuvre jusqu’à séduire une princesse avec l’appui détourné du savant.

Quand enfin, le vieil homme se révolte, le nouveau maître le fait éliminer en manipulant la princesse, sa future épouse.

L’ombre développe toute la symbolique du double maléfique, à qui on ne doit pas donner de liberté. Elle peut engendrer la mort si on ne l’entretient pas.

Les illustrations sont surprenantes, tout en verticalité. L’ombre en particulier est dessinée comme une structure architecturale. Elle prend de l’ampleur et la perspective lui donne toute son importance à force que son pouvoir s’étend. Le savant est alors un minuscule être que l’on aperçoit. Les décors semblent être réalisés avec des techniques mixtes.

L'ombre de H. C. Andersen
L’ombre de H. C. Andersen

Voici quelques liens pour l’analyse de ce conte : lien N°1, N°2.

Voici maintenant un conte japonais très moderne !

Chenille poilue est un conte issu de la tradition japonaise. Il est raconté ici par Marier Sellier et édité chez Picquier Éditions . Il est illustré par Aurelia Fronty dont j’admire le travail.

Princesse poilue est le nom d’une princesse de Kyoto. Ce nom a de quoi surprendre. Il s’agit en fait d’un surnom donné à une jeune fille aux goûts particuliers. En effet, parmi la myriade de princesses, elle se distingue par ses habitudes, cheveux détachés et attrait pour les insectes. Son vrai nom est Aya qui signifie beauté sauvage.

Ses parents mi-figue mi-raisin lui laissent pourtant le champ libre pour son accomplissement personnel. Sa réputation lui permettait de recevoir des insectes des enfants des alentours. Puis, ce sont trois princes qui furent intrigués. Chacun va lui proposer un présent, qui sera inadéquat à ses yeux. Elle ne veut pas de richesse, mais des insectes !

Un rebondissement survint alors : Princesse poilue reçut des boîtes d’insectes rares. Elle invita alors Pou Céleste, l’expéditeur. Ils s’accordèrent tant qu’ils vécurent heureux, seuls sans enfants.

Ici, les traditions sont mises à mal :

  • Code de la bienséance,
  • Refus mondain,
  • Refus de cadeaux émanant de princes,
  • Refus d’un mari,
  • Pas de couple avec enfants,
  • Des parents qui respectent le développement personnel de leur enfant.

Cet album s’adresse aux enfants de cycle 2 et 3.

Recueil de contes sur le thème des arbres

J’ai choisi de lire le recueil Contes des arbres et forêts de Rolande Causse, Nane et Jean-luc Vezinet chez Les Éditions des Éléphants. Chaque conte est précédé d’une présentation de l’arbre ou du contexte forestier et des légendes qui y sont attachées.

Le propos est toujours de punir celui qui commet une faute ou de récompenser celui qui a fait une bonne action. À travers les sorciers, génies, esprits des arbres, les humains voient leur sort se régler en leur faveur ou défaveur.

Ce recueil de contes issus des traditions orales du monde entier met en avant le rôle des forêts et le pouvoir des arbres.

Le bois de myrte (Italie) Le bois de myrte (Italie) L’arbre est un sauveur qui cache une jeune fille, la récompense d’un couple en mal d’enfants. Cet arbre, le myrte, viendra repeupler les campagnes desséchées du sud de l’Italie.

Le génie de la forêt est un conte estonien. Un bûcheron égoïste veut abattre des arbres utiles à la communauté. À chaque fois, un génie l’en empêche jusqu’à ce que le bûcheron demande compensation. Son avarice n’a de cesse de croître et il en paiera le prix, celui d’être transformé en ours par le génie de la forêt.

L’Amazonie, l’emblème des poumons de la planète Terre est au cœur du conte, Comment la forêt vierge fut envahie par les lianes ? Comment les hommes peuvent-ils échapper aux jaguars alors que le ciel touche la cime des arbres et obscurcit tout ? Le Vieux Sorcier choisit de tirer des flèches en direction des nuages et celles-ci devinrent les lianes. Les jaguars ne purent plus atteindre les hommes et partirent trouver un nouveau territoire. Les lianes servirent à fabriquer toutes choses utiles pour la communauté.

Les baobabs sont les rois du conte suivant d’Afrique de l’Ouest (Au cœur du baobab). Un lièvre use de flatterie pour obtenir à manger d’un baobab et bien plus encore : un trésor caché au cœur de l’arbre. Il fête cela avec des animaux, et parmi eux la hyène malintentionnée, vole tous les trésors du baobab. Elle est condamnée à manger dès lors des charognes et leurs entrailles à la recherche d’un autre trésor. Plus jamais le baobab ne s’ouvrit.

Le pommier de misère est un conte français, voire espagnol dans ses variantes. Misère est une vieille femme très pauvre n’ayant pour tout bien qu’un pommier. Hélas, ses beaux fruits sont systématiquement volés par des chenapans. Un jour, un homme se présente à elle et demande de l’aide. Elle lui offre le couvert et l’homme avoue être un sorcier. Il veut la récompenser et Misère demande à ce que les gens qui grimpent au pommier ne puissent plus en redescendre. Ainsi, les vols cessent. La mort venant chercher misère fait les frais de ce pouvoir. Mais le monde devient surpeuplé alors Misère consent à libérer la mort si celle-ci l’épargne. Ainsi demeura la misère sur Terre.

L’arbre qui marche est un conte anglais. Doit-on avoir peur d’un arbre dans le brouillard d’une lande, qui pourrait être la moins effrayante des apparitions ?

L’arbre à cannelle de la lune est un conte chinois. Sur la lune pousse un arbre gigantesque. Chaque branche correspondait à une nouvelle génération de gens. Face à une démographie galopante, l’Esprit du ciel trouva un bûcheron pour couper des branches de l’arbre. Mais il lui fallut une année pour y arriver. La branche tomba sur terre et on la brûla pour se chauffer sans que jamais elle ne devienne des cendres. Un vieux sage expliqua les pouvoirs des branches et dès lors chaque quinzième jour de la huitième lune, les habitants fêtent la lune.

Le châtaignier d’Hanaka (Japon). Cet arbre très résistant est au cœur de beaucoup de contes. Ici Hanaka qui vénère un grand châtaignier est interpelé par celui-ci avant d’être coupé pour fabriquer un navire. Le châtaignier lui confie que seule elle pourra formuler un vœu qui réussira à pousser le navire à l’eau. Ainsi fut fait et l’empereur récompensa le cœur généreux d’Hanaka en lui assurant une meilleure vie.

La foret semée de portraits (conte thaïlandais). Un enfant orphelin a la tâche de garder un buffle. Or, un soir, le garçon s’endormit et le buffle avait disparu au petit matin. Sa grand-mère essaya avec lui de le retrouver, en vain. Alors elle l’expédia dans la forêt pour y rejoindre l’autre côté de la montagne. Le périple de Wichaya dura tant et plus, mais il finit par rencontrer une orpheline, Apsara. Elle lui donna à manger et il continua sa route. Sur sa route, Wichaya qui savait dessiner faisait des portraits sur des frangipaniers. Ainsi Apsara le retrouva et ils restèrent ensemble d’autant que la nouvelle de la mort de la grand-mère survint.

La mystérieuse feuille de chêne, un conte albanais. Un pêcheur malchanceux se voit aider par le roi de son pays. I doit ramener le fruit de sa pêche et aura l’équivalent en or. Miracle, le poids de la feuille de chêne s’avère énorme. Une fois l’honnêteté du pêcheur prouvée, il eut ses pièces d’or. Le pêcheur était récompensé pour avoir replanter un chêne étant enfant. Ce chêne s’en était souvenu !

Philémon et Baucis (mythologie grecque). Deux voyageurs se voient refuser l’hospitalité dans la province de la Phrygie. Puis en haut d’une colline de pins, apparut une maisonnette abritant un vieux couple. Ils offrent leur meilleur repas tandis qu’une tempête de pluie s’abat par vengeance sur la plaine. Les deux voyageurs demandent leur vœu le plus cher au vieux couple. Ils furent transformés par Zeus en un tilleul et un chêne enchevêtrés.

Les illustrations de Marc Daniau, dans des tons très chauds sont sublimes. J’avais déjà lu Contes d’Afrique de Henri Gougaud illustré par cet artiste.

Il existe au-delà des contes traditionnels, des revisites ou contes détournés. Une belle bibliographie concerne par exemple Le Petit Chaperon rouge. Mais je vais vous parler d’un roman directement inspiré de La princesse au petit pois.

Revisite du conte La Princesse au petit pois pour un public adolescent

D’or et d’oreillers de Flore Vesco m’a enchantée. Ce roman est sensible, moderne et déconstruit les genres et la bienséance bourgeoise. Il s’inscrit dans une société de diversité raciale.

On commence par entrer dans l’univers d’une famille bourgeoise ou trois jeunes filles sont en âge de se marier. La cadette a un sœur de lait en la personne de Sadima, une jeune fille métisse, servante de la maisonnée.

Un lord fait subitement savoir qu’il veut se marier et veut tester les jeunes filles prétendantes. Mais rien ne se passe comme souhaité. Les trois jeunes filles sont recalées, le château est hanté, le lord Handerson est bizarre.

Sadima qui avait accompagné May est piquée au vif par la situation et le lord l’enjoint de passer le test : passer une nuit dans une chambre avec un lit constitué d’une haute pile de matelas. Au matin, elle répond avec justesse à la question posée et réussit cette épreuve. Alors qu’elle remarque des choses suspectes, fouille le château, elle apprend à connaître le jeune homme. Lord Henderson se révèle sensible, fragile, cachottier aussi. Un drame familial se cache derrière toute cette histoire animée par de la magie aussi ! Justement Sadima a un faible pour la magie. L’autrice fait le portrait d’une jeune femme persévérante, intelligente, sensible. Toute cette histoire ne serait-elle pas destinée à aider à résoudre l’affaire de ce château hanté ? Le lord n’est ni viril ni autoritaire ni machiste, tout au contraire. C’est à deux qu’ils vont parvenir à mettre de l’ordre dans la vie et le château. Ils s’éveillent aussi l’un à l’autre d’une manière sensuelle.

Ce roman montre qu’on peut mélanger de la magie à de la réalité, avec des personnages modernes, loin des schémas stéréotypés fille/garçon, en intégrant un personnage racialisé aussi. La science est aussi un élément de ce conte complet car il est question de l’alchimie.

Mon avis : un conte très bien construit, ingénieux, moderne, intelligent ! Sadima incarne entièrement une jeune femme, physiquement et intellectuellement à contrario des sœurs Watkins. Prendre son destin en main a ici tout son sens, dans la bienveillance et l’accomplissement de soi. Que j’aurais souhaité des illustrations exécutées dans la même veine que la couverture.

Voyons maintenant comment il est possible de créer un livre fantasque sur la base des contes.

L’univers des contes détournés en mode humour

Dans la foire aux contes d’Olivier Dupin (illustrations Séverine Duchesne) chez NordSud, les contes sont prétexte à créer des objets de consommation. Construit comme un catalogue avec des prix, des caractéristiques et des avis clients (J’adore!), voici un objet-livre à part.

Prenons La Princesse au petits pois d’Andersen ! Olivier Dupin a trouvé un argument comparatif entre des petits pois classiques et ceux de la marque Andersen. La partie avis client est drôle à souhait avec parfois un personnage du conte en question, mais pas seulement. L’humour est omniprésent, en images autant que dans le texte. La logique induite par les contes est respectée. Par exemple, ce sont 3 boîtes de pâté de cochon inséparables qui sont proposées un peu plus loin.

C’est une véritable jubilation que ces exercices de détournement !

Bien sûr, il convient de connaître les contes de référence ou de les relire avant la lecture de ce livre !

Ainsi, on retrouve les univers des frères Grimm, de Hans Christian Andersen, de Charles Perrault, de J. M. Barrie, de Carlo Collodi, d’Alphonse Daudet.

Il manque juste (à mon avis) un sommaire avec les références de contes et leurs auteurs.

 

Voilà une série de livres de contes revigorants qui permettent de parcourir une tradition culturelle et de profiter de la créativité d’auteurs novateurs et modernes. Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager et à commenter !

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Rédactrice de contenus web, autrice de fiction, community manager, relectrice et correctrice.