LE TORÉADOR

 

Il faut que je te remercie : j’allais t’envoyer un message mais au lieu de cela, j’ai écrit une lettre que tu ne liras pas, ni un message donc.

A quoi bon t’envoyer des messages, tu ne réponds pas. Tu ne les lis pas peut-être. Comme d’habitude. Comme d’habitude, tu es sourd, tu te tais. Comme d’habitude…

Tu préfères passer à côté de moi, en me frôlant sans réagir. Comme un toréador glisse sa cape devant un taureau. Tu penses être le maître, tu crois dominer. Mais le taureau s’est enfui de l’arène. Il ne veut pas subir une mise à mort. Il part vers la liberté, un nuage de poussière le soustrait à ta vue. Tu l’as perdu, de vue, de sens, de raison.

Comme d’habitude, tu restes fier, éclate d’un grand rire, pour montrer à la foule que tu n’es pas touché. Mais qu’est ce qu’un toréador sans un taureau qui le regarde en face, qui lui donne l’impulsion d’avancer vers ces sabots qui soulèvent la poussière de l’arène ? Un taureau sans souffle, sans banderillas qui n’aura pas ses olés !

Quitte l’arène et laisse ton costume d’apparat, le taureau est loin, il ne t’a pas attendu !

La foule n’a pas eu son sacrifice. Elle se lève et invective le toréador. On entend encore les sabots du taureau et des cris dans la ville. Une autre foule semble l’acclamer.

Le toréador esseulé sans son art de l’estocade, piaffe à son tour. De la pointe du pied, il gratte le sol et secoue la tête aux oreilles pointues.

La foule donne un «Anda anda» en tapant dans les mains. Elle lance des fleurs et dans un seul mouvement descend dans l’arène. Le toréador se courbe, renâcle, l’écume aux lèvres. La foule est unie, sombre et macabre. Le toréador brille dans son habit rouge et or. Le rouge a mille éclats, carmin, vermillon, sang…

Le sol granuleux reflète le visage du toréador, les yeux révulsés. Il se cabre et sent la foule fondre sur lui dans une seule et même estocade. Les mains aux multicolores éventails répètent une danse…

 

Cette nouvelle comporte 641 mots.

 

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