Mr. and Mrs. Clark and Percy, récit imaginaire d’après le tableau éponyme

Une amie m’a prêté un magazine dans lequel figurait en double page ce tableau qui m’a d’emblée fascinée. La lumière exquise, ces deux regards vers soi, l’harmonie des couleurs, ces magnifiques verts, l’ouverture vers un jardin… En tant qu’autrice, je me suis imprégnée pendant plusieurs jours de ce double portrait en imaginant qui pouvait être Mr. and Mrs. Clark and PercyDavid Hockney est le peintre britannique qui a réalisé ce tableau en 1970-1971.

Mr. and Mrs. Clark and Percy dans le magazine Flow

Une recherche sur Internet concernant les musées, m’a permis de découvrir d’autres portraits de David Hockney. Il est connu pour cet exercice notamment. L’envie d’écrire un bout de leur histoire m’a poussée à prendre mon cahier et mon crayon… Voici ce que j’ai imaginé avant, pendant et après la scène. Pour moi, la scène peinte est le climax, le sommet d’un conflit.

J’ai suivi un schéma type : une situation initiale, des types de personnages, un conflit, une résolution de problème. Cette nouvelle est un premier jet qui pourra être retravaillé et prolongé…

Je n’autorise pas la reproduction partielle ou entière de cette nouvelle, sur quelque support que ce soit, numérique ou imprimé.

Voici donc l’histoire fictive que j’ai écrite à partir du tableau Mr. and Mrs. Clark and Percy

Elle avait raccroché le téléphone depuis une demi-heure. Sa colère commençait à peine à s’estomper. Le chat restait aux aguets, prêt à bondir sur le balcon.

Philip faisait la moue et se demandait si le livre ou le vase n’allait pas finir fracassé contre le mur dans un instant après que Cindy aurait à nouveau un regard pour lui.

Le peintre avait capté cet intermède en retenant sa respiration et en mémorisant les expressions faciales et les positions physiques de ses deux modèles.

Les lys avaient tremblé quand Cindy s’était tournée vers Philip avec le regard chargé de réprobation.

Philip avait pivoté, comprenant qu’il était compromis. Il lui était impossible de fixer Cindy dans les yeux. Le mur absorbait les ondes négatives. Les franges de la lampe avaient oscillé dans un mouvement de pendule remise à l’heure. Philip s’était raidi lorsque le chat avait planté les griffes dans sa cuisse.

Le peintre avait éraflé la toile, un peu à gauche de la silhouette juste tracée des persiennes fermées. Il lui faudrait appliquer une couleur foncée à cet endroit, là où Cindy se tenait avant le coup de fil. Elle devrait changer de tenue. La robe vaporeuse en soie jaune n’était plus d’actualité.

Pour lui-même, le peintre se dit « Ne jamais laisser un téléphone à proximité lors d’une séance de double portrait. »

Le livre Les liaisons dangereuses était désormais une tache dans le décor, une fracture dans l’ambiance. Un coup de pinceau le transformerait en objet neutre, une espèce de cahier vierge inoffensif.

Que faudrait-il encore modifier pour estomper la scène de ménage imminente ?

Cindy était retournée près de la table basse, sur la pointe des pieds, passant tout près des pieds nus de Philip ancrés dans la moquette. La moquette de couleur très claire aurait souffert d’une tache de sang. On l’a échappé belle.

Le peintre ne respire plus. Son regard s’évade au-delà du balcon, vers les vitres opaques où d’autres couples britanniques en proie aux affres de la vie bourgeoise jettent l’éponge ou une assiette ou un vase contre des murs fraîchement repeints. Un éclat de lumière fait cligner les yeux du peintre, obligé de se reconcentrer sur sa scène.

Philip ne bronche pas, caresse le chat nonchalamment, résigné à ce qui se produira après le départ du peintre.

Cindy regarde les fleurs qui faneront avant elle. Elle a envie de fumer, mais la dernière cigarette est dans les mains de Philip. Cela aussi elle ne le partagerait bientôt plus avec lui.

Dès que le peintre aura terminé, elle décrocherait le téléphone en sachant cette fois qui serait à l’autre bout du fil. Elle prendrait congé et descendrait dans le vestibule, soustraite aux deux regards masculins oppressants et humiliants.

Suzanne préparerait ses valises et la suivrait dans la villa de la côte. Elle ne décrocherait plus jamais ce téléphone.

Soudain, elle se sentait décalée dans sa robe de soie jaune. Elle s’esquiva dans la buanderie pour passer un fourreau pourpre en accord avec son sang bilié.

D’un regard et reprenant sa place, elle saisit l’étonnement puis l’approbation du peintre. Il esquissait même un sourire, l’idiot !

Percevoir le regard en biais de Philip, la main haute sur le flanc de Cindy la raidissant, ses yeux implorants, l’éclat du jour provocant et filtrant à travers la fenêtre entrouverte, les pieds nus et recourbés de Philip à moitié dissimulés dans la moquette, les boucles blondes de Cindy légèrement frémissantes.

Une scène de vie imprévue, un témoin sournois, en vérité l’amant de Cindy qui l’aimait tant dans sa robe vaporeuse de soie jaune.

 

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Si le format de ma nouvelle et mon style vous attirent, j’ai publié un recueil de nouvelles intitulé 7 nouvelles au jardin. Il est disponible dans la eboutique de mon site.